• Les soliloques de la raison n°1

     

    Il y a trois siècles, à peine, les grands romantiques battaient la campagne à la recherche de leur Moi profond. Tout prêtait à rêver, tout prêtait à penser : la rosée sur le rocher, le coquelicot dans la vallée, les cris du vent sous les palmiers. La solitude était un trésor, menacé par l’Autre, éternel dragon dont le seul but était de cambrioler les monologues et les soliloques de la raison.

    Mais un roi sans divertissement est un homme plein de misères, a dit Pascal. Le philosophe a pointé là, au cœur de ses Pensées, la grande tragédie dont l’homme est le héros, malgré lui. La solitude s’est transformée en cauchemar, le trésor est devenu poison. Qui parmi nous, qui parmi vous, est capable de rester une heure, sans rien faire ? Sans écouter de musique, sans pianoter sur son portable, sans appeler des amis ? Car rester seul avec soi-même, c’est aussi courir un grand risque : celui de penser à sa vie et donc à sa mort, de penser à ses remords et donc à ses regrets, d’évoquer le passé et d’être irrémédiablement versé dans l’avenir mortel de l’homme. La solitude est un pont vers une réflexion sur la mort. Rien de mieux pour déprimer les mortels…

    Mais est-ce une raison pour se refuser tout moment avec soi-même ? Quand on arrive à la poste et qu’il y a une longue file d’attente, il y a deux attitudes : soit je maudis tous les Hommes et je me jette sur mon portable, mon ipod, mon livre ou mon jeu vidéo… soit je bénis cet instant, belle occasion pour prendre du temps pour me retrouver, penser à ma vie et donc à ma mort. Car celui qui oublie son destin mortel ne peut pas vivre une vie d’immortel !

    Ne laissons pas triompher la peur, car c’est bien de la peur dont il s’agit, ici. Peur de se trouver face à soi, peur de ne pas savoir quoi se dire, peur de se disputer avec soi-même. Peur des promesses non tenues, des échecs non assumés, des médiocrités refoulées. Peur de passer sous le jugement du Moi, de ne pas savoir comment se justifier, d’être mis à nu… Peur de la mort. Mais ce n’est pas en fuyant ce rendez-vous avec le Moi, ce rendez-vous avec une réflexion sur la mort que la vie sera plus belle.

    La vie a besoin de la mort pour être vécue.

     


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